Je l’ai rencontré en été, j’étais aussi lumineuse que les jours, je finissais mes études. Lui, à peine 30 ans, bel homme, le visage marqué par la vie et des yeux encore étincelants comme ceux des enfants. Il me voyait fragile, n’osait pas me brusquer par peur de me casser. Comme une poupée trop rare, trop fragile, gravée dans une autre réalité. Pour lui j’étais comme un pont entre le rêve et la réalité. Alors je lui ai montré au delà des apparences, la réalité, ma réalité. Il a su apprécier. Moi il me rassurait, il savait me parler, me dire les choses et n’était pas réactif à mes attaques. Je me donnais du mal pour qu’il me déteste un peu, qu’il se lasse de moi mais ça n’a pas marché.
L’homme trop avoué et la femme trop frileuse ayant accordés leurs violons ils ne se sont plus quittés.
On s’est vite emballé, juillet est passé plein d’une humeur estivale. Tous les jardins de Paris étaient les notre et tous les jours une occasion toujours plus douce de se retrouver. De mon plein gré je suis venue manger à même sa main. Un homme avait su m’amadouer, me donner envie à nouveau d’aimer et d’être aimé. Août est arrivé accompagné des vacances d’été. Quelques jours de congés et ensemble on est allés voir la mer. Une semaine durant sans fausse note aucunes nous avons vécus ensemble. Moi que la proximité et l’intimité dérangeait encore au plus haut point il y a de cela deux mois, je suis rentrée ravie et enchantée tout comme lui. On se sentait fort et tellement bien ensemble. Nous étions deux, nous étions amoureux. La béatitude était alors l’expression que notre visage employait le plus souvent à notre insu.
De retour dans la vraie vie j’ai cherché un emploi, 3 mois de chômage ce n’est pas facile pour le moral. Malgré tout il était là, mes crises d’anxiété ne l’ont pas arrêté. Il a su s’éloigner un peu afin de me laisser respirer. J’ai fini par trouver un emploi, rémunéré bien assez pour payer une partie du loyer. Il a alors suggéré l’idée que je puisse venir vivre avec lui et a laisser faire. Il m’a regardé faire évoluer cette idée. Il m’a laissé faire à ma manière.
J’ai eu envi de vivre près de lui, d’être avec lui, de construire avec lui. Pressée d’emménager j’ai tout pris et l’ai envahit ; son chez lui est vite devenu chez nous. J’ai bouleversé ses habitudes et oublié les miennes afin de construire les notre. La mise en place fut rapide et le bonheur immédiat. J’aurais cru la transition plus dure, mais tout c’est fait si naturellement. Ensemble, on riait comme des enfants. Nous sommes en novembre, les jours raccourcissent et le bonheur d’être deux plus fort chaque jour. Il parsemait notre quotidien de douces attentions, je me surprenais chaque jour. L’amour m’avait transformé, plus douce, plus disponible et tellement attentionné. Je me découvrais de nouvelles aptitudes chaque jour, il avait su faire ressortir le meilleur de moi. Je nous sentais nous inscrire dans la durée, les mots bébé, demain, famille, maison faisaient entièrement partie de nos discussions quotidiennes.
Et la femme trop frileuse est redevenue frileuse, est redevenue une fille et s’est renfermé sur elle-même.
Soudainement la tendance s’est inversée. Janvier est arrivé et les jours sont devenus trop courts, mon travail suffisant et notre vie routinière.
J’étais déprimé, ce n’était pas sa faute à lui. Il ne m’a pas brisé, pas abîmé. Involontairement je crois que c’est moi qui ai tout cassé. Il ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi est ce qu’il ne me rendait pas heureuse. La vérité c’est que je suis tout simplement tombé de mon nuage. Les deux pieds sur terre je me suis sentie trop coincée. Job, appart, RTT, métro je crois que j’ai saturé. Confrontée à la réalité de ma vie j’ai perdu pied.
On a patienté essayant de traverser ce qu’on a commencé par appeler une mauvaise passe. Cette mauvaise passe a duré, elle s’est envenimée et nos relations n’ont fait que se détériorer. Invivable, frustrée et malheureuse j’ai rendu son quotidien horrible. Lui qui était d’habitude si calme et si posé, il s’est énervé, il a hurlé, il était hors de lui. Personne en toute une vie n’avait réussi à le mettre dans un tel état. Moi, j’ai réussi, en 3 mois de vie commune. C’est le genre de situation qui fait se poser des questions, « peut être que je ne suis pas celle qui lui faut ». On s’aimait encore assez pour ne pas se détester.
Et fidèle à lui même l’homme trop avoué est resté l’homme trop avoué.
Car je me mentais, me disant que tout ça ne durerait pas, que l’hiver a juste été trop long ….Il ne m’a pas laissé faire et m’a fait remarqué que se mentir ne servait à rien, que ça ne changerait pas les choses. J’ai réalisé où on en était arrivé le jour où il m’a dit « rentrer à la maison en sachant que t’es là me stresse ». Lui qui aimait tant son chez lui, j’avais réussi à lui faire détester. Je me suis alors sentie nulle, égoïste et surtout j’étais énervée contre moi. J’avais tout gâché, j’ai brisé son enthousiasme, son envie de vie à deux, son envie de moi. J’ai presque réussi à lui faire regretter de m’avoir accepter chez lui, je me suis sentie si mal …
Mars est venu, accompagné d’un soleil timide mais ça n’a pas suffit. D’un commun accord nous avons donc organisé mon départ, des heures si longues et si tristes. Tour à tour le tuteur de l’autre nous étions si malheureux, on y avait cru si fort au début et on s’aimait encore. Que c’était il passé entre au début et maintenant ? Ai-je été trop égoïste ou bien est ce lui ? On ne le saura jamais, c’est ainsi on n’étaient pas fait pour être ensemble.
Et l’homme trop avoué et la femme trop frileuse se sont séparés.
Je suis rentré chez moi, le premier week-end fut dur, j’étais étrangère ici, je n’y avais plus mes repères. J’étais sans lui dans un endroit qui n’était plus chez moi. Peu à peu j’ai repris mes marques, me suis retrouvée et ait aimer être seule à nouveau. Je m’en sens suis voulue de ne pas me sentir triste, de ne pas avoir envie d’y retourner. Comme si tout ça ne s’était jamais passé. Comment ai-je fait pour tirer si vite un trait sur tout ça ?
Avril est maintenant bien installé et les beaux jours nombreux. Lui, il ne m’appelle pas. Moi, je ne me résigne pas, son silence me pèse. J’aimerais savoir ce qu’il pense, les questions qu’il se pose, les pensées qu’il a mais il n’y arrive pas. Il ne me parle pas. Lui qui parle tant, il ne me parle pas. C’est trop frais je crois, trop neuf. C’est trop dur pour lui d’en parler. Moi je me sens tellement frustré de ne pas savoir. On partageait tout, on se disait tout, on parlait beaucoup et d’un seul coup plus rien. D’un seul coup il faudrait que je fasse avec lui comme avec n’importe qui, je ne peux pas, c’est au dessus de mes forces. On a décidé ensemble de se séparer et ça semble être la bonne décision. Nous n’étions pas compatibles. Mais son silence je ne m’y habitue pas. Il ne peut pas être rien ou personne pour moi. Pourtant, il ne me parle pas ; pas encore. Le peu de fois où on se parle on échange des banalités, ou on s’engueule. Ça me fait mal, si mal, comment en est on arrivé la ? On s’aimait et aujourd’hui on ne peut même plus se parler, ça me fait mal d’avoir réussi à nous faire en arriver là. Est-ce l’apanage de tous les couples qui se séparent malgré qu’ils s’aiment ?
Et l’homme trop avoué et la femme trop frileuse se sont déchirés.
Aujourd’hui encore en y pensant j’ai pleuré, dites moi comment, on dormait dans le même lit, cote à cote nos souffles se confondaient, comment en est on arrivé la ? Aujourd’hui je crois que j’ai compris sa douleur à lui. Je suis partie mais il est resté. Il s’est retrouvé seul et chez nous est redevenu chez lui. Du jour au lendemain il m’a perdu et des souvenirs de nous traînent partout dans son appartement. Aujourd’hui je me rends compte à quel point ça doit être dur pour lui, plus que pour moi. Il m’a vu rentrer, m’a sentie aller mieux, qu’a-t-il donc penser ? « Je l’ai rencontré heureuse et rendue malheureuse ». Je me sens coupable de lui avoir fait ça à lui, de lui avoir laisser cette impression, ce sentiment d’impuissance face à mon mal être, de culpabilité face à mon malheur. Je sais qu’il s’en veut, qu’il croie être coupable malgré ce que j’ai beau lui expliquer. Moi aussi je m’en veux, j’ai l’impression de l’avoir abandonner, j’ai si mal d’y penser. Je me sens responsable moi aussi d’avoir voulu croire en une chose pour laquelle je le sais maintenant, j’étais trop jeune, pas prête, trop peu préparé. Je m’en veux de lui avoir donner de faux espoirs de lui avoir fait croire en une chose que je n’ai finalement pas été capable de lui donner. Aujourd’hui à défaut d’autre chose, il a dit merci, il m’a dit merci. Merci, je n’ai pas vraiment compris pourquoi, sûrement pour ce que je suis, merci d’être moi. Sûrement aussi qu’il aura aimé dire d’autres choses mais qu’il n’y arrive pas. Ce merci est arrivé comme un soulagement pour moi. Enfin une chose profonde, une chose de lui qui sortait de sa bouche et qui m’était adressé, enfin.
Et l’homme trop avoué et la femme trop frileuse ont su communiquer à nouveau.